La prostitution, jadis un sujet tabou dans les sociétés tchadiennes, s’est progressivement imposée dans le paysage urbain du pays, marquée par une prolifération visible des maisons closes. Ces lieux, souvent déguisés en simple auberge ou bars-restaurants, se multiplient à un rythme alarmant, suscitant une vive controverse. Entre traditions bafouées, dérives sociales et témoignages accablants, cette pratique soulève des interrogations sur l’évolution des valeurs culturelles et morales du Tchad.
Dans les grandes villes comme N’Djamena, Moundou Abéché ou Sarh, les quartiers populaires voient éclore ces maisons closes à chaque coin de rue. Derrière leurs façades discrètes se déroule un commerce florissant qui attire des hommes de tous âges, classes sociales et professions. Les jeunes filles, parfois mineures, en sont les principales victimes.
Mariam, une mère de famille résidant à N’Djamena, partage sa colère. « Ces lieux détruisent nos enfants. Ils sont exposés à des comportements immoraux qui étaient impensables il y a quelques années. Nous perdons nos valeurs en silence. »
Pourtant, certaines voix tentent de nuancer. Souleymane, chauffeur de taxi, explique. « Avec la pauvreté, beaucoup n’ont pas d’autre choix. Les filles qui travaillent là-bas cherchent juste à survivre. Ce n’est pas leur rêve, mais la vie est dure. »
Le recours massif à ces maisons closes n’est pas sans conséquences. Au-delà de l’aspect moral, des problèmes de santé publique se posent, notamment avec la recrudescence des maladies sexuellement transmissibles. La propagation de ces infections inquiète les autorités sanitaires, bien qu’une politique claire et rigoureuse pour contenir le phénomène fasse encore défaut.
Les conséquences sociales sont également préoccupantes. Les familles se désintègrent sous l’effet des infidélités, et le rôle traditionnel de la femme, symbole de respect et d’intégrité dans la culture tchadienne, se trouve remis en question. Hawa, une couturière, témoigne. « Nos coutumes sont piétinées. Dans nos traditions, la femme est respectée. Mais aujourd’hui, certaines filles sont prêtes à tout pour l’argent, même à vendre leur dignité. »
Ce phénomène reflète aussi une mutation des relations intergénérationnelles. Les jeunes, souvent influencés par les contenus étrangers véhiculés par internet et les médias, se détachent des valeurs ancestrales pour embrasser des pratiques perçues comme modernes.
Cependant, certains leaders communautaires tentent de redresser la barre. Des campagnes de sensibilisation sont menées dans les mosquées, les églises et les écoles pour rappeler l’importance des traditions et des mœurs. Mais ces initiatives peinent à concurrencer les réalités économiques et sociales.
Alors que la société tchadienne traverse cette crise morale, il devient urgent d’interroger les autorités sur leur rôle dans la régulation et la prévention du phénomène. Pour Ali, enseignant à Moundou, « Le gouvernement doit prendre ses responsabilités. Ces lieux ne devraient même pas exister. Si on ne fait rien maintenant, notre société va se perdre complètement. »
La multiplication des maisons closes et la banalisation de la prostitution au Tchad reflètent une fracture sociale de plus en plus visible. Entre pauvreté, modernité mal maîtrisée et abandon des valeurs traditionnelles, la société tchadienne se trouve à la croisée des chemins. Le combat pour la préservation des mœurs et traditions exige une mobilisation collective et des actions concrètes.