Le gouvernement soudanais aligné sur l’armée régulière a décidé ce 6 mai 2025 de rompre ses relations diplomatiques avec les Émirats arabes unis, déclarés «État agresseur», a annoncé le ministre de la Défense Yassin Ibrahim.
Dans un discours à la télévision soudanaise, le ministre a accusé Abou Dhabi de violer la souveraineté du Soudan en soutenant les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR), une milice paramilitaire impliquée dans le conflit armé qui ravage le pays depuis 2023. Khartoum accuse Abu Dhabi d’armer les paramilitaires avec des drones qui ont visé notamment Port-Soudan, depuis trois jours, le siège provisoire du gouvernement.
L’armée soudanaise attribue ces attaques aux FSR, bien que le groupe n’ait pas revendiqué les frappes. Celles-ci ont endommagé plusieurs infrastructures stratégiques, notamment l’aéroport, une base militaire, une centrale électrique et des dépôts de carburant, selon des sources concordantes. Aucun décès n’a été signalé pour l’heure, mais les conséquences sont déjà visibles : files interminables dans les stations-service par crainte d’une pénurie de carburant, et coupures d’électricité généralisées, selon la compagnie nationale d’électricité. Mais l’implication des Emirats arabes unis ne se résume pas à cette opération ni d’ailleurs à la seule guerre au Soudan.
Le ministre soudanais de la Défense, Yassin Ibrahim, a dénoncé un « crime d’agression contre la souveraineté du Soudan », affirmant que les Émirats avaient fourni des « armes stratégiques sophistiquées » aux FSR. Il a promis une réponse « par tous les moyens nécessaires » pour protéger la population civile et défendre l’intégrité territoriale du pays.
Une escalade brutale
Depuis avril 2023, le Soudan est plongé dans une guerre civile opposant l’armée régulière, dirigée par le général Abdel Fattah al-Burhane, et les FSR menées par son ancien adjoint, le général Mohamed Hamdane Daglo. Longtemps épargnée par les combats, la ville de Port-Soudan, où transitent aides humanitaires et diplomates étrangers, est désormais une cible directe.
« Personne ne s’attendait à une escalade aussi rapide ni à ce que les FSR puissent frapper aussi loin », a confié le chercheur soudanais Hamid Khalafallah à l’AFP. D’autres villes de l’est, comme Kassala, jusque-là considérées comme des refuges pour les civils déplacés, ont également été visées par des frappes de drones. L’aéroport de Kassala aurait été ciblé, selon des témoins.
Dans l’ouest du pays, au Darfour, un bombardement mené par les FSR sur le camp de déplacés d’Abou Chouk, près de la ville assiégée d’El-Facher, a fait au moins six morts et plus de 20 blessés, d’après des secouristes bénévoles. Cette région, déjà menacée par la famine selon l’ONU, continue de payer un lourd tribut au conflit.
Privées d’aviation de chasse, les FSR misent désormais sur l’utilisation intensive de drones, allant de modèles artisanaux à des appareils de haute technologie. Leur objectif : affaiblir les lignes de ravitaillement de l’armée régulière. Mardi, la principale base militaire de Port-Soudan a encore été visée, ainsi qu’un hôtel situé à proximité de la résidence actuelle du général al-Burhane, selon des sources militaires et des témoins.
A rappeler que le général Abdel Fattah al-Burhane qui a réprimé le mouvement démocratique dans le sang en 2019 était un proche des Emirats arabes unis. Il était derrière l’envoi de troupes au Yémen en soutien à l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis pour combattre les rebelles houthis.
Il a commencé à prendre ses distances il y a quelques mois. Jibril Ibrahim, le ministre des Finances et de la Planification, avait annoncé, selon Rfi, l’annulation du plus important de ces protocoles d’accords. « Nous n’allons pas permettre aux EAU d’investir un centimètre du territoire », a-t-il déclaré. Il s’agit de la construction du port d’Abou Amama sur la mer Rouge ainsi qu’une zone économique de libre échange et une zone touristique autour de ce port situé à 230 km de Port-Soudan et qui devait être inauguré en janvier 2022. Un projet qui s’élevait à 6 milliards de dollars et qui serait confié à un consortium soudano-émirati regroupant la société des ports d’Abou Dhabi et Invictus Investment, une société dirigée par l’homme d’affaires soudanais Oussama Daoud.
Avec AFP