Dans la province de Cibitoke, les grossesses précoces constituent un frein majeur à l’éducation des jeunes filles. De nombreuses écolières tombent enceintes avant d’achever leur scolarité, souvent victimes de camarades de classe, d’enseignants ou encore de chauffeurs qui les séduisent avec des cadeaux. Ce phénomène persistant inquiète parents, éducateurs et associations qui multiplient les efforts pour y remédier.
Une mère résidant dans la zone témoigne : « Dans mon entourage, l’éducation des jeunes filles est en perte de vitesse. Elles sont attirées par des promesses matérielles et tombent enceintes, compromettant ainsi leur avenir. » Pire encore, certains coupables échappent à la justice, les familles préférant régler les affaires à l’amiable plutôt que d’engager des poursuites.
Un impact durable sur l’avenir des jeunes filles
Les conséquences des grossesses précoces sont lourdes pour les adolescentes concernées. Une habitante de Rugombo souligne que la majorité des écoles de la région enregistrent au moins un cas par an et que peu de ces jeunes mères reprennent leurs études après l’accouchement. « La pression sociale et le jugement des autres pèsent lourdement sur elles et leurs familles », déplore-t-elle.
En plus d’un parcours scolaire interrompu, ces jeunes filles se retrouvent souvent livrées à elles-mêmes, sans moyens de subsistance ni soutien adéquat. Le poids des traditions et des stéréotypes ancre encore l’idée que leur avenir scolaire est définitivement compromis après une grossesse.
Des initiatives pour lutter contre le fléau
Conscient de l’ampleur du problème, le directeur provincial de l’Éducation à Cibitoke, Joseph Nyandwi, affirme que des actions sont menées pour endiguer le phénomène. Selon lui, 12 cas ont été enregistrés au premier trimestre de l’année scolaire 2024-2025, un chiffre en baisse par rapport aux 30 cas de l’année précédente.
Parmi les initiatives mises en place figure le projet des « tantes et pères d’école », qui organise régulièrement des réunions de sensibilisation sur l’éducation sexuelle et les dangers des relations précoces. Le centre de santé « Ami des jeunes », en collaboration avec des ONG comme World Vision, contribue également à informer les adolescents sur leur santé sexuelle et reproductive.
Un rôle clé pour les parents et la communauté
Les parents ont un rôle essentiel à jouer dans la lutte contre les grossesses précoces. Joseph Nyandwi les exhorte à encadrer leurs enfants et à participer activement aux réunions organisées par les écoles. « Certaines filles abandonnent l’école en pensant qu’il n’y a plus d’avenir pour elles. Pourtant, avec une bonne éducation, elles peuvent devenir entrepreneuses et bâtir leur propre avenir », souligne-t-il.
Anastasie Ngabire, responsable de l’école fondamentale Rugombo II et « Tante » au sein de l’établissement, témoigne de l’impact positif du programme de sensibilisation. « Notre école enregistrait cinq cas de grossesses par an. Depuis l’année dernière, aucun cas n’a été signalé. » Elle insiste sur l’importance d’adapter les discussions en fonction de l’âge et du sexe des élèves, permettant ainsi un dialogue plus libre et efficace.
Un combat collectif pour un avenir meilleur
Les efforts pour combattre ce fléau doivent être renforcés à tous les niveaux. L’initiative « Komeza Wige » a déjà contribué en distribuant des serviettes hygiéniques aux jeunes filles défavorisées, réduisant ainsi leur dépendance à des hommes en quête d’avantages sexuels. Toutefois, d’autres mesures sont nécessaires pour protéger ces adolescentes et leur garantir un avenir éducatif stable.
Lutter contre les grossesses précoces à Cibitoke, c’est garantir aux jeunes filles la possibilité de poursuivre leurs études et de construire un avenir meilleur. Parents, enseignants, autorités et associations doivent unir leurs forces pour éradiquer ce phénomène et offrir aux filles une réelle chance d’épanouissement scolaire et personnel.
Yenga Fazili wã BIREGEYA, Correspondant en Afrique de l’Est et Centrale