Le cinéma tchadien, bien que longtemps confronté à des défis structurels, s’impose aujourd’hui sur la scène internationale grâce à des cinéastes talentueux et engagés. À l’occasion du FESPACO 2025, un focus particulier est consacré à l’industrie cinématographique du Tchad, mettant en lumière aussi bien ses figures historiques que la nouvelle génération de réalisateurs qui portent haut les couleurs du pays.
L’histoire du cinéma tchadien est indissociable des noms de Mahamat Saleh Haroun et Issa Serge Coelo, deux réalisateurs qui ont su capter les réalités sociales, politiques et culturelles de leur pays à travers leurs œuvres. Haroun a marqué l’histoire en réalisant en 1999 Bye Bye Africa, premier long métrage tchadien, qui a reçu plusieurs distinctions internationales, notamment au Festival de Venise et au Festival international du film d’Amiens. Son parcours l’a conduit jusqu’au ministère de la Culture (2017-2018), tout en continuant à produire des films d’une grande sensibilité sociale.
Issa Serge Coelo, quant à lui, s’est illustré avec Daresalam, un film poignant qui retrace les atrocités ayant marqué le Tchad dans les années 1960-1970. Réalisateur prolifique, il est également une figure incontournable des festivals internationaux et occupera en 2025 la présidence du jury de la section Burkina Films au FESPACO.
Un autre pionnier du cinéma tchadien, Édouard Sailly, est souvent considéré comme « le père du cinéma tchadien ». Son film Le troisième jour, primé au Festival africain et malgache de Saint-Cast en 1966, a marqué les débuts de cette industrie.
Depuis les années 2010, une nouvelle vague de réalisateurs a redonné un souffle au cinéma tchadien. Abakar Chene Massar a notamment fait parler de lui avec Le Pèlerin de Camp Nou (2009), sélectionné dans plusieurs festivals internationaux. Mahamat Saleh Haroun a également brillé à Cannes, remportant le Prix du Jury en 2010 pour Un homme qui crie et concourant à la Palme d’Or avec GrisGris (2013) et Lingui, les liens sacrés (2021).
Les efforts structurels récents, comme la réouverture en 2011 du cinéma Le Normandie, unique salle de projection du pays, ainsi que la création du Fonds national d’appui aux artistes (FONAT), ont permis d’accompagner cette dynamique. De plus, la naissance en 2023 de l’Association tchadienne pour le développement du cinéma (ATCD) témoigne d’un engagement collectif en faveur du septième art.
Le FESPACO 2025 célèbre cet essor en sélectionnant trois films tchadiens en compétition officielle :
- « Diya » d’Achille Ronaimou (catégorie long métrage)
- « L’Arc-en-ciel » de Khalil Salma (section animation)
- « Warassa » de Aaron Zegoubé Padacké (section perspective)
En plus de cette reconnaissance, dix films classiques tchadiens seront projetés pour mettre en lumière l’histoire et l’évolution du cinéma du pays.
Le Tchad ne se distingue pas uniquement par ses productions, mais également par l’implication de ses figures emblématiques dans les jurys du festival :
- Célestin Mandowé, membre du jury étalon d’or de Yennenga pour les longs métrages
- Youssouf Djaoro, membre du jury officiel des courts métrages
- Zara Mahamat Yakoub, membre du jury du prix Thomas Sankara du panafricanisme
- Issa Serge Coelo, président du jury de la section Burkina Films
Parmi les cinéastes émergents, Moussa Tidjani et Oumar Mousa Abakar se sont distingués avec Mariam, récompensé au Festival international du cinéma indépendant de Bafoussam. Hanifa Ali Oumar, avec Une Femme, Un Destin, s’est révélée au 39e Festival international de cinéma Vues d’Afrique (Montréal, 2023), tandis que Aché Ahmat Moustapha explore le cinéma d’animation avec Déchets Animés, sensibilisant avec humour sur l’impact des déchets plastiques.
Le cinéma tchadien, autrefois dans l’ombre, est aujourd’hui en pleine effervescence. Son rayonnement au FESPACO 2025 en est la preuve éclatante, augurant un avenir radieux pour ses cinéastes et ses œuvres qui résonnent bien au-delà des frontières du pays.