Un projet de loi malien ouvre la voie à un mandat présidentiel de cinq ans renouvelable pour le chef de la junte au pouvoir, entérinant la mainmise durable des militaires sur le pouvoir.
Ce n’est plus une surprise, mais désormais une formalité entérinée par les autorités maliennes. Le 11 juin, le Conseil des ministres a adopté un projet de loi prévoyant d’octroyer au général Assimi Goïta, actuel président de la transition, un mandat de cinq ans renouvelable à partir de 2025. Une décision qui confirme la mainmise des militaires sur le pouvoir, amorcée depuis les deux putschs successifs de 2020 et 2021 , et qui inscrit le Mali dans la même trajectoire que ses voisins du Burkina Faso et du Niger, également gouvernés par des juntes militaires membres de l’Alliance des États du Sahel (AES).
Un mandat sans échéance dans un contexte d’insécurité persistante
Selon le communiqué officiel, ce mandat présidentiel pourra être reconduit « jusqu’à la pacification totale » du territoire malien, mais aussi de ceux du Niger et du Burkina Faso. Autrement dit : sans limite de temps clairement définie. À 41 ans, Assimi Goïta se voit ainsi conforté à la tête du pays pour une durée indéterminée, sans passer par les urnes. Le texte doit encore être adopté par le Conseil national de transition – une chambre largement acquise au régime – mais son approbation ne fait guère de doute.
Officiellement, cette prolongation vise à « garantir la stabilité » et à accompagner la lutte contre le terrorisme. Mais sur le terrain, la situation sécuritaire reste alarmante. Malgré la rupture avec la France et l’appui des mercenaires du groupe Wagner, les attaques djihadistes continuent de frapper le centre et le nord du pays. Les Forces armées maliennes (Fama), pourtant renforcées, peinent à reprendre le contrôle de vastes zones tombées aux mains de groupes armés.
La fin des partis politiques
Ce verrouillage du pouvoir ne s’arrête pas là. En avril dernier, les conclusions de la « concertation nationale », un forum réuni sous la houlette des autorités de transition, ont recommandé non seulement la prolongation du mandat de Goïta, mais aussi la dissolution de l’ensemble des partis politiques et un durcissement drastique des conditions de création de nouvelles formations. Une manière claire d’écarter toute contestation organisée.
Quelques semaines plus tard, en mai, le gouvernement a mis ces recommandations à exécution : toutes les formations politiques ont été dissoutes, et les activités politiques interdites. Les maigres mobilisations de l’opposition, comme les rassemblements de Bamako réclamant un retour à l’ordre constitutionnel, ont été systématiquement dispersées. Plusieurs figures de la société civile ont été arrêtées ou convoquées.
Un alignement assumé sur le Burkina et le Niger
Avec ce projet de loi, Bamako ne fait qu’officialiser une évolution amorcée de longue date : la fin du cycle démocratique engagé dans les années 1990 et l’installation d’un pouvoir militaire durable. En cela, le Mali suit la voie empruntée par ses alliés de l’Alliance des États du Sahel. Au Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré a obtenu en 2023 une prolongation de la transition pour cinq années, tout en se laissant la possibilité de se présenter à une future présidentielle. Au Niger, la junte issue du coup d’État de 2023 a également annoncé une transition de cinq ans, sans garanties électorales.
L’objectif affiché par l’AES est de bâtir une « souveraineté retrouvée » et de « sortir du système néocolonial », selon les termes du colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement malien. Dans les faits, cette souveraineté passe avant tout par le renforcement des pouvoirs présidentiels, sans contre-pouvoirs démocratiques, et une marginalisation croissante de la presse et de la société civile.
Ce projet de loi acte ainsi un tournant : celui d’une rupture avec les engagements pris par la junte lors de sa prise de pouvoir, notamment celui d’organiser des élections « libres et transparentes ». Initialement promises pour février 2022, puis reportées à 2024, ces élections semblent désormais reportées aux calendes grecques. Et le cadre juridique malien est réécrit pour pérenniser cette nouvelle donne.
Du côté de la communauté internationale, les réactions restent timorées. Si la Cedeao avait un temps imposé des sanctions à Bamako pour non-respect du calendrier de transition, elle semble désormais impuissante face à la cohésion du bloc AES. Quant aux anciens partenaires occidentaux du Mali, ils ont été progressivement écartés au profit de nouveaux soutiens, notamment la Russie et le groupe Wagner . En 1991, le Mali avait été salué comme un exemple de transition démocratique en Afrique de l’Ouest. Trente ans plus tard, le cycle semble refermé.