L’arrêté récemment publié, pour la mise en place d’un comité d’organisation mobilisant une ribambelle de ministres, anciens ministres, secrétaires d’État et autres figures gouvernementales pour l’inauguration d’un simple stade , illustre avec éclat une dérive inquiétante de notre gouvernance : la confusion entre solennité républicaine et mise en scène politique grotesque. Cette surenchère protocolaire, qui frôle le ridicule, soulève des interrogations légitimes sur le bon usage des ressources publiques, la hiérarchisation des priorités de l’État, et la compréhension même de ce que devrait être le rôle des plus hauts responsables de la République.
Pourquoi mobiliser toute une armée de dignitaires pour l’inauguration d’un équipement local ? Faut-il vraiment la présence conjointe du Ministre de la Jeunesse et des Sports, du Secrétaire Général du Gouvernement, du Ministre des Finances, de celui de la Sécurité publique, de la Communication, de l’Environnement et d’anciens ministres pour couper un ruban ? Un tel rassemblement donne l’impression d’un événement d’envergure internationale. Or, il s’agit ici d’un stade. Ce déploiement est tout simplement disproportionné et frôle l’indécence dans un pays où les ressources sont limitées et les urgences nombreuses.
Au-delà du symbole, il faut mesurer le coût réel de cette opération : logistique, sécurité, déplacements officiels, mobilisation des agents publics… Combien de millions engloutis dans une cérémonie d’apparat qui aurait pu être gérée, avec toute la dignité requise, par un maire ou un préfet ? Dans un contexte où les caisses publiques sont exsangues, où l’on peine à entretenir les infrastructures existantes, où des services publics essentiels sont en souffrance, une telle extravagance relève du gaspillage pur et simple.
Quel message l’État croit-il envoyer en agissant ainsi ? Veut-il montrer qu’il s’intéresse au sport local ? En réalité, le signal envoyé est tout autre : une classe dirigeante déconnectée, obsédée par sa propre visibilité, prête à transformer chaque événement en tribune politique. Cette politisation outrancière d’une inauguration sportive dessert la cause même qu’elle prétend servir. À force de vouloir être partout, le pouvoir risque de n’être plus nulle part.
Quand des ministres se pressent à l’inauguration d’un stade de quartier, quelle importance reste-t-il à leur présence lors d’événements majeurs ? En multipliant les apparitions protocolaires sans réel enjeu national, les représentants de l’État diluent leur autorité et ridiculisent leurs fonctions. C’est une banalisation de l’exécutif, qui perd en gravité ce qu’il gagne en visibilité éphémère.
Cet arrêté n’est pas un simple détail administratif. Il est révélateur d’une logique dangereuse : celle d’un État qui privilégie la mise en scène à l’action, l’image à la substance, la foule aux résultats. À l’heure où les citoyens exigent plus de rigueur, de transparence et de proximité, la réponse ne saurait être cette mascarade ministérielle qui confond prestige et populisme. Il est temps de redonner du sens à la présence gouvernementale, de recentrer les ministres sur leurs fonctions essentielles et d’en finir avec ce théâtre d’ombres où la politique n’est plus qu’un décor.