« C’était vers 11 heures ce 23 Mars de 2016, un mercredi, quand un numéro particulier s’afficha sur mon écran de téléphone. D’emblée, la voix grave au bout du fil me dit, quand je décrochai, « c’est mon fils Mahmoud? ». Je garderai pour moi le reste de l’appel, une minute et 38 secondes.
Le Président de la République Idriss Deby Itno, lui-même, m’appelle pour m’encourager et me remercier pour la lutte que je mène pour la paix et le soutien que je lui apporte, à lui et à sa politique. Quel honneur ! S’en est suivie une audience de plus d’une heure, qu’il m’avait accordée volontiers, puis une autre et des contacts réguliers jusqu’à faire de moi son DAAFM.
Plus de 5 années durant, j’avais eu l’immense honneur de travailler avec et pour lui, de connaître et côtoyer l’homme qu’il était, sa famille, ses propres enfants, à qui je réitère, ici, mes pensées sincères, de bénéficier de ses précieux conseils et orientations avisées, bref d’apprendre dans la meilleure école politique qu’il incarnait.
J’avais déjà demandé qui mieux que lui connaissait l’histoire de notre pays et l’incarnait dignement, pour l’avoir grandement écrite et vécue, et prodiguer sage conseil ? Lui qui a toujours fait florès dans les différents combats qu’il a livrés pour l’intégrité de son pays. Lui, qui, pour son pays, a passé sa vie de front en front. Bien entendu, personne. Car oui, il s’était battu, à cor et à cri, pendant plus de 40 années, jusqu’à sacrifier sa vie, rendant son dernier souffle arme à la main, pour défendre l’intégrité de notre pays sans avoir jamais pensé, ne fut-ce qu’une seconde, à l’abandonner et ceci à une époque où la paix et la sécurité sont défiées de partout et tendent à être hypothéquées par des individus assoiffés de sang.
J’avais, donc, découvert un homme humble et passionné pour son pays, le Tchad, pour qui il avait un réservoir d’amour inépuisable. Attachant et sociable inversement à la nécessaire carapace de rigueur qu’il arborait pour diriger le destin de tout un peuple, le sien. Humaniste et très sensible, celui qui m’avait toujours appelé affectueusement « combattant » n’avait jamais hésité à mettre le social en valeur et au centre de toutes ses actions.
Indulgent, il a toujours su pardonner ceux-là mêmes qui, hier, avaient pris les armes contre lui ou qui l’ont trahi, et m’a cité, ici, Voltaire en évoquant « Quel homme est sans erreur ? Et quel roi est sans faiblesse ? » pour justifier son pardon et je garderai, là, de lui, cette phrase pleine de sagesses qui dit en substance «qu’il faut savoir pardonner pour éviter de vivre seul».
Et quad je lui ai demandé qui a pu dire une chose aussi vraie ? Il me répond, humblement et tout sourire, que c’était lui. Aimant les choses simples de la vie, de notre eche traditionnel au mythique thé vert, il n’a jamais manqué l’occasion de se ressourcer dans son fief d’Amdjarass, histoire de garder le lien avec la réalité.
Il avait pour son pays d’énormes projets mais Dieu, ayant les siens, a pris le dessus et l’a rappelé auprès de lui. C’est l’œuvre du destin, qui n’abandonne jamais ses vieilles habitudes, de nous prendre toujours à revers. Quel fut terrible et tragique ce matin, où j’apprends, à mon arrivée à 05 heures au bureau, au petit matin, la disparition du Maréchal du Tchad.
C’est la fin d’une époque pour tous les tchadiens mais pour moi, c’était un apocalypse, une véritable tragédie tant nos liens dépassaient le cadre professionnel. Il était un père, un guide spirituel et moi, l’élève. La plus belle ode que je ne pourrai jamais composer en son honneur ne sera aucunement à la hauteur de la confiance qu’il me témoignait et surtout de l’estime que j’avais pour lui.
Il est clair que nous l’avons échappé belle, au chaos qu’on nous avait tant promis et qui nous tendait les bras et on s’est rendu compte que nous étions finalement un peuple fragile. Fragile des guerres inutiles qui nous menacent et fragile de notre inconscience à la souhaiter.
Seulement voilà, les tchadiens savent aussi être intelligents et privilégier la paix au détriment de certains égoïsmes.
Mais on ne se reconstruit pas tant que l’on n’a pas fait son travail de deuil et en cette date anniversaire de sa disparition, notre devoir est de nous adapter à l’évidence et d’avancer vers la construction de notre pays.
Fort heureusement que dans la vie, et ici encore plus qu’ailleurs, la nostalgie et le temps finissent toujours par éroder et adoucir les coins et recoins les plus rugueux du passé et même du deuil. Qui plus est, la synchronicité suscitée par la désignation du Général d’armée Mahamat Idriss Deby à la tête du CMT n’a fait que décupler l’impact nostalgique que le départ du Maréchal a causé.
Il est parti, comme partent les plus grands hommes de ce monde, courageux et dignement. Quant à nous, nous avons fait notre deuil, ensemble, comme une nation sait le faire, sans s’être jamais détourné de l’essentiel. Et nous voici aujourd’hui, un an après son décès, à prier pour lui.
Puisse Dieu l’accueillir dans son vaste paradis. » Le Ministre de la Jeunesse, Mahmoud Ali Séïd.